Le Dictateur qui ne voulait pas mourir – Bogdan Teodorescu

Dacic Parc, 2012. Traduit du roumain par Jean-Louis Courriol. Agullo Éditions, 2018

Ma chronique : 

Ma connaissance de la Roumanie et de sa littérature se limitant jusqu’ici à Vlad Tepes – alias Dracula – et Virgil Gheorghiu (pour son chef d’œuvre La Vingt-cinquième heure), je n’ai pas résisté à l’attrait du quatrième de couverture intriguant de ce roman nouvellement paru de Bogdan Teodorescu : « Cloîtré dans une serre au verre sali par la pluie, d’où il dirige la Roumanie d’une main de fer depuis plus d’un demi-siècle, le dictateur s’apprête à lancer son grand défi à l’Histoire. Pour échapper à l’érosion du temps, il a fait construire en secret un portail entre présent et passé, capable de ramener les morts. Et demain, il ramènera le plus illustre d’entre eux : un grand homme, un grand guerrier, un grand patriote… Michel Le Brave. Mais quand le leader d’une époque où empaler ses adversaires était pratique courante débarque dans notre réalité, les réactions en chaîne sont pour le moins imprévisibles… ».

Le Dictateur qui ne voulait pas mourir est un livre à la fois très roumain et très universel. D’un côté l’histoire roumaine, les boïers et autres voïvodes, les provinces de Transylvanie, de Valachie et de Moldavie, les voisins ennemis Ottomans et Hongrois, l’occupation Russe et tous les personnages historiques rassemblés dans un petit glossaire en fin d‘ouvrage. De l’autre, des réflexions universelles, intelligentes et poussées sur la politique par tous les temps, les mécanismes et les acteurs du pouvoir, la place du peuple et les enjeux des systèmes.

Il était une fois un vieux dictateur qui, sous couvert de « Je veux offrir encore plus à ma nation », mit en place un projet pour vaincre la mort. Ainsi, « lorsqu’il ne serait plus, quelqu’un pourrait le faire revenir pour une vie sans fin ».

Bogdan Teodorescu, en un roman choral à la construction impeccable, interroge tous les acteurs de cette intrigue. Le bras droit, l’adversaire politique, le subalterne, l’idéaliste, le parvenu. Et c’est passionnant. Les rouages du pouvoir, chacun à son niveau qui croit tirer les ficelles mais se retrouve le pantin d’un autre, ceux qui vendraient père et mère pour une miette de pouvoir… « La tentation de l’excès est énorme. Quoi de plus agréable que de grimper sur les dos courbés devant vous ? »

L’ensemble est cynique, érudit, d’un humour féroce, l’intrigue part complètement en vrilles d’une manière jubilatoire. Une seule chose je crois m’a agacée pendant cette lecture : la place ridicule accordée aux femmes. Eternelles subalternes, épouses ou assistantes. La Roumanie serait-elle donc vraiment une pure nation de machos ? En même temps, tout le monde dans Le Dictateur qui ne voulait pas mourir en prend vraiment pour son grade… des tas de dents ont dû grincer en Roumanie quand le roman est sorti !

Le Dictateur qui ne voulait pas mourir a vraiment été une excellente surprise. Une fable politique surprenante, une satire habile déguisée en dystopie.

« Comment leur expliquer la peur de la mort, pas celle qui est générée par le phénomène biologique, mais par le phénomène social ? La peur de penser que tout ce qu’il sait, tout ce qu’il a pu représenter, tout ce qu’il a construit peut disparaitre avec ce vieux corps presque impuissant. »

Un grand merci aux Éditions Agullo et à Babelio !

  7 comments for “Le Dictateur qui ne voulait pas mourir – Bogdan Teodorescu

  1. 20 avril 2018 à 12 h 46 min

    j’avoue que je lirais bien ce roman, le thème est accrocheur et je ne connais pas la littérature roumaine…
    « La 25e heure » est dans ma PAL mais attend toujours 🙂

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  2. 21 avril 2018 à 15 h 49 min

    tu as le don pour susciter ma curiosité quant à cet ouvrage. Le sujet est passionnant je trouve. Passe un très bon weekend, Bises bretonnes sous un grand soleil 🙂

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    • 23 avril 2018 à 7 h 21 min

      Merci Frédéric ! Un sujet passionnant oui, et traité avec beaucoup d’intelligence. Bon début de semaine à toi, bises

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  3. 22 avril 2018 à 11 h 52 min

    Ah celui-ci, je l’avais noté, tu confirmes. J’ai découvert ( un peu ) la littérature roumaine il y a quelques années lorsque la Roumanie a été le pays invité par le Salon du Livre de Paris. C’était très intéressant de rencontrer et écouter les auteurs.

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    • 23 avril 2018 à 7 h 18 min

      Oh, excellent ! Quels auteurs aurais-tu à me conseiller pour une prochaine incursion dans cette littérature ? 🙂

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  4. 23 avril 2018 à 13 h 58 min

    J’avais bien accroché à  » en attendant l’heure d’après  » de Dinu Pillat, sinon j’ai lu de la poésie. Je me permets de te donner le lien d’un compte-rendu de conférence, il y aura peut-être des noms qui te rendront curieuse ( dommage, il est ancien, les photos ont disparu )
    http://www.lireetmerveilles.fr/pages/culture/conferences/roumanie-de-la-censure.html
    ( j’ai toujours un roman de Radu Adulescu qui m’attend … )

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