Hérésies glorieuses – Lisa McInerney

The glorious Heresies, 2015. Traduit de l’anglais (Irlande) par Catherine Richard-Mas. Éditions Joelle Losfeld, 2017 ; réédition en poche aux Éditions La Table Ronde, collection La Petite Vermillon, 28 mai 2020 (Illustration de couverture par Kebba Sanneh) ; 544 p.

Mon avis :

Hérésies glorieuses est un splendide premier roman, aussi sombre qu’il se dévore. Je l’ai lu à sa sortie en grand format chez Joelle Losfeld en août 2017, mais n’en ai écrit aucune chronique – cet automne-là fut une période de grand chagrin pour moi […] Sa parution en poche le mois dernier a été une belle occasion de le relire et de me laisser encore mieux embarquer du côté obscur de l’Irlande. Lisa McInerney passe la mignonne petite ville de Cork à la moulinette saignante de sa plume agile et crue, caustique, drôle et poétique à la fois. Hérésies glorieuses, c’est la pierre qui attire ton oeil au bord du chemin et entaille profondément ta paume lorsque tu t’en saisis. La main en sang, tu ne peux néanmoins t’empêcher de sourire.

« Je lui ai mis une beigne avec la Sainte Caillasse, dit-elle. Je voulais pas lui laisser l’avantage, des fois que ce soit le père Noël »

Tout commence par un type tué par une sainte caillasse. Maureen ne l’a pas fait exprés, c’est juste qu’elle a pris peur et n’avait que cette bondieuserie sous la main. Il faut dire que vivre au rez de chaussée d’un ancien bordel désaffecté, ça peut rendre nerveux. C’est son fils Jimmy qui l’a installée là en la ramenant de Londres… combien de temps qu’ils ne s’étaient pas vus ? Quarante ans ? Depuis la naissance de Jimmy, en fait. Maureen, pour cause de grossesse hors mariage dans l’Irlande catholique et conservatrice que l’on sait, n’a pas eu le choix : elle a dû abandonner son fils à la naissance. Rejeton qui est aujourd’hui devenu le plus gros caïd de Cork, « compact et menaçant comme Godzilla, la mine aussi riante qu’une carrière désaffectée. »

En fait de briser un crâne, la sainte caillasse a aussi fendillé le sol sur lequel se meuvent nombre de personnages. Il y a Tony Cusack, un pauvre type alcoolique et père de six enfants, chargé de faire disparaître le corps. Il y a son fils, Ryan, quinze ans, l’ange déchu de l’histoire, qui brille autant que ses ailes tendent à prendre feu. Ryan et son grand amour, Karine d’Arcy. Il y a Robbie Donovan, le macchabée, qui en fait était venu récupérer un scapulaire oublié dans le bordel par sa petite amie, Georgie, qui y tenait beaucoup, il lui venait de sa mère. Georgie, droguée et prostituée, dont Ryan est le dealer et qui connaît la sinueuse Tara Duane, voisine des Cusack, celle qui porte « l’avidité comme une seconde peau ».

Et le sol fendillé n’en finit pas de craquer et de tous les faire trébucher les uns sur les autres. La lecture accélère et on voudrait au moins que Ryan et Karine soient sauvés… J’avoue être restée scotchée par le talent déployé par Lisa McInerney dans ce premier roman. Tout y est. Le rythme impeccable, l’écriture, un régal – et cette traduction de Catherine Richard-Mas ! -, l’inventivité flamboyante qui fait toujours aller l’histoire un peu plus loin qu’on ne l’aurait cru possible ; et cet inestimable ingrédient secret, celui qui rend très attachante une histoire pourtant pleine de noirceur et de tristes destins broyés. Hérésies glorieuses est à découvrir sans modération.

« Je trimballe ma rage comme un sac de chatons couinants ; pas moyen de noyer ça. »

★★★★★★★★★☆

  8 comments for “Hérésies glorieuses – Lisa McInerney

  1. 24 juin 2020 à 18 h 23 min

    Ton billet est extrêmement alléchant. Je suis allée lire le premier chapitre sur le site de la maison. J’en voulais plus. Déjà, les personnages m’ont conquise. Il me le faut! Et je découvre qu’il y a une suite « Miracles du sang ». Tu comptes la lire?

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    • 30 juin 2020 à 13 h 53 min

      Carrément trop contente que tu aies envie de découvrir ce roman ! C’est vraiment pratique de pouvoir lire le premier chapitre en ligne. Tu sais que j’ai adopté ta technique pour faire du tri dans ma pal, de lire le premier chapitre des romans !?
      Oui, Miracles de sang est dans ma PAL ! Damned j’ai oublié de l’évoquer dans mon billet. Heureusement que tu veilles au grain 😀

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  2. 24 juin 2020 à 21 h 31 min

    Je vais le lire, ta façon de présenter ce livre est géniale.
    Merci Hélène, bises 😙

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    • 30 juin 2020 à 13 h 56 min

      Merci beaucoup Eveline 😀 Heureuse de t’avoir fait découvrir ce titre, je t’embrasse

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  3. 24 juin 2020 à 22 h 29 min

    belle chronique, je vais suivre tes conseils, merci.

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