Éditions Gallimard, coll. Blanche, 2016 – réédition en poche chez Folio, 2019 ; 176 p.
★★★★★★★★☆☆
Mon avis (déjà publié sur Babelio le 29.06.23) :
En commençant Sur les chemins noirs, j’étais persuadée ne jamais avoir rien lu de Sylvain Tesson, mais en fait si : en juillet 2018, en vacances dans les Cyclades, j’avais dégusté à petites doses ravies son Un été avec Homère – la première moitié en tous cas, je ne me souviens plus ce qui m’avait déplu dans la seconde.
Ma lecture de Sur les chemins noirs, donc. Pour tout dire, je suis mitigée. Il y a beaucoup de choses que j’ai aimé, mais d’autres, au secours. Sylvain Tesson est sacrément suffisant et condescendant, ses continuels aphorismes m’ont lassée, ainsi que certaines de ses idées fixes – mais genre fixes, hein, accrochées au piquet et il tourne autour serré sans les quitter des yeux. Il manque aussi souvent de cohérence.
Et pourtant… ! J’ai souvent admiré sa tournure de plume (« La forêt filtrait le soleil en tisserande et je traversais les rais avec l’impression de me laver le visage à chaque explosion de clarté ») et son oeil acéré, et j’ai carrément adhéré à son projet de partir marcher sur les chemins dépeuplés du territoire, après son accident. Quasi une diagonale, du Mercantour au Cotentin. Deux mois d’esquive, d’échappée, de reconquête de soi, dont il tient un journal. « Non contents de tracer un réseau de traverse, les chemins noirs pouvaient aussi définir les cheminements mentaux que nous emprunterions pour nous soustraire à l’époque. » C’est un bon gros réac’, mais concernant l’ensevelissement sous les écrans aujourd’hui et la sur-connexion déshumanisante, c’est un fait.
J’ai aimé qu’il parle de René Frégni (dont La fiancée des corbeaux et Je me souviens de tous vos rêves sont chroniqués sur le blog), juste quand ses pas sur les chemins de Provence me faisaient penser à lui. Sa légèreté et son auto-dérision m’ont plu – j’ai ri quand il se moque de lui en train de boire un viandox en terrasse – il n’a plus droit à l’alcool -, genre bonjour l’aventurier en carton.
Donc bon… Sauf quand j’ai grincé des dents ou levé les yeux au ciel, ce récit m’a fait passer un intéressant moment de lecture. La résilience de Sylvain Tesson est admirable, et son éloge de la lenteur m’a fait du bien.
« Mon accident m’avait affligé d’une paralysie faciale et ma grimace fascinait les enfants dans la rue. Même les chiens me regardaient bizarrement. Ma bouche, tordue, tombait sur le côté, le nez était de traviole, la joue droite enfoncée, l’oeil exophtalmique. Un freak en somme. L’esthétique antique revivifiée par la Renaissance et le classicisme du XVIIe siècle m’affectait, car elle imposait les canons de la symétrie. Seule la déconstruction cubiste, au début du XXe siècle, avait corrigé l’impératif d’équilibre. Les portraits de Picasso consolaient les types comme moi, atteints de paralysie faciale. Les premiers signifiaient aux seconds que la vie peut s’accommoder de la laideur. Si j’avais vécu dans les temps médiévaux, en plein rêve de Bosch, ma disgrâce serait passée inaperçue. »


J’a vu l’adaptation au cinéma qui m’a plu, alors que j’y allais avec quelques a priori liés à la personnalité de Tesson. Elle a finalement le mérite de gommer ce côté pontifiant que tu évoques…
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Ah c’est amusant, c’est le film qui m’a donné envie de lire le livre. Je n’aime pas trop Jean Dujardin non plus, mais là je l’ai trouvé habité par le rôle. Et ces paysages ! A l’heure actuelle, je trouve que cet éloge de la lenteur et des chemins de traverse est un agréable bol d’air
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Il m’avais sérieusement agacée avec « Dans les forêts de Sibérie » pour des raisons assez similaires à celles que tu évoques… Sa manière de donner des leçons, en particulier… J’avais que j’étais étonnée de te voir lire Tesson ! 🙂
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En fait je suis allée voir le film, qui m’a donné envie de lire le livre. C’est la marche, j’ai adhéré à la secte, ayez, hahaha. Maintenant, je suis tiraillée entre l’envie de lire autre chose de lui et la crainte justifiée de tomber sur un truc imbuvable,
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