Annie Muktuk and other stories, 2017. Traduit de l’anglais (Canada) par Daniel Grenier. Éditions mémoire d’encrier, mai 2021 ; 208 p.
♥
Mon avis :
J’ai eu très peu de temps pour lire, ces dernières semaines. Voici donc enfin mon premier billet pour le challenge Mai en nouvelles organisé par Marie-Claude @hopsouslacouette et Electra @theflyingelectra. Annie Muktuk et autres histoires de l’auteure Inuit Norma Dunning a été un coup de coeur.
Quinze nouvelles, ou plutôt six, dix d’entre elles formant une petite galaxie autour de trois même personnages. J’ai été profondément touchée par cette lecture. La plume de Norma Dunning allie concision et ampleur de manière remarquable, pour dire la vie, la mort, les rites, les deuils et les souffrances, l’amour et l’attachement. Une écriture crue et douce où l’on s’imprègne de la culture Inuit.
« Je sens une plainte qui monte dans la gorge. Le son que fait un caribou abattu en libérant les dernières onces de vie de ses entrailles. Le son qu’on fait tous, en dernier. C’est la peine qui fait parler la gorge. La peine fait revivre l’animal en nous, l’animal qui appartient à la terre sur laquelle nous marchons. » [Inurqituq]
Je me suis trouvée dans les pages d’Annie Muktuk et autres histoires comme dans un voyage en terre inconnue. Guidée par une voix amicale, soutenue pendant les moments difficiles. Un voyage très intéressant, beau dans ses contrastes, touchant d’humanité et souvent bouleversant.
Dans ces nouvelles, on croise des hommes amoureux. L’un emmène sa femme atteinte d’un cancer du sein dans la toundra, pour essayer de trouver un remède (Elipsee). Un autre, assimilé « à rebours », entreprend un voyage au sud avec ses trois femmes, pour leur montrer sa vie d’avant (Husky, inspiré par un épisode de la vie du grand-père de l’auteure). Il y a aussi celui qui rêve de marier la fille du coin réputée facile (Annie Muktuk). On croise des anciens et des esprits, avec qui on discute normalement, car ils font partie de la vie : les grands-pères dans Elipsee, Sedna et d’autres dans Kakoot. On pleure un frère mort, on trinque à des souvenirs, un vieil homme en maison de retraite voudrait mourir dans les anciens territoires. On est heureux au nord du 58ème parallèle, « On n’entend que le son des oiseaux qui nous entourent. On ne voit que les buissons et les minuscules fleurs et le ciel le plus bleu qu’on puisse imaginer. On respire l’air frais de l’été et on se croirait millionnaires. », mais le monde des Blancs est partout, le travail, l’université, il happe et puis il mord, dans les pensionnats (Mes sœurs et moi). L’auteure raconte aussi les préjugés et le racisme ordinaire envers les autochtones, et encore plus les femmes.
Norma Dunning nous offre avec Annie Muktuk et autres histoires certaines clefs pour voir le monde tel que les Inuits l’habitent. C’est un livre d’histoires, je pense aussi un témoignage, un document. C’est en tous cas un livre précieux. Merci Marie-Claude, pour la découverte ! (Sa chronique est à lire par ici)
« C’est aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est tout ce qu’on a. Aujourd’hui, c’est la seule chose qui compte. Penser à autre chose qu’à aujourd’hui, ça ne sert à rien. » [Mes sœurs et moi]
Un plaisir de te lire Hélène. Ce recueil sur les inuits doit être fascinant, Bises bretonnes ensoleillés, excellent weekend 😊
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Je suis ravie qu’il t’ait touchée. J’ai aimé qu’il n’y ait aucun pathos, aucun misérabilisme. La vie inuite, dans toute sa richesse et sa diversité. Une belle trouvaille, que ce recueil.
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