Dans la Baie fauve – Sara Baume

Spill Simmer Falter Wither, 2015. Traduit de l’anglais (Irlande) par France Camus-Pichon. Éditions noir sur blanc, collection Notabilia, janvier 2018

Ma chronique (rentrée d’hiver 2018, 3) :

Dans la Baie fauve est un premier roman qui sort du lot. Différent, très, déstabilisant, souvent, dérangeant, parfois… touchant, vraiment.

Un homme et un chien se trouvent. Bon, techniquement, c’est plutôt l’homme qui trouve le chien en premier, puisque suite à une annonce un peu désespérée, il le récupère à la fourrière. One Eye le bien nommé, un seul œil, l’autre ayant sans doute terminé dans l’estomac d’un blaireau, est un vilain petit ratier au sale caractère, mordeur à ses heures. Mais l’homme, le narrateur, n’est en fait pas très fringant non plus. Encombré par un grand corps et une patte un peu folle, cinquante-sept ans, « trop vieux pour prendre un nouveau départ, trop jeune pour baisser les bras », il est seul et triste.

Deux solitudes amochées par la vie peuvent-elles se guérir entre elles ? Très vite on y croit, tant l’attachement et la compréhension entre ces deux-là devient, à mesure des pages, complicité et joie. Il lui raconte sa vie, à son chien, à mesure que s’égrènent les jours, toute son existence, autant la routine quotidienne que son enfance entre un père froid et peu aimable, l’absence d’une mère et cette maison au bord de Tawny Bay, la baie fauve, où il a grandi et dont on va nous aussi connaître chaque détail, minutieusement. Sara Baume a un œil extraordinaire pour observer la nature et les petites choses du quotidien, et sa plume est aussi délicate qu’éclatante (la traduction également) : « Tes yeux se remplissent de larmes. Tu vas te terrer dans un coin. Tu te recroquevilles comme une canette écrasée sous une chaussure ferrée ». « On a tiré du sommeil l’araignée du jardin qui vit entre les fils du séchoir à linge et dont l’abdomen tacheté d’or ressemble à une minuscule amulette. Elle s’est levée pour découvrir la rosée déjà évaporée des filaments de sa maison fragile, un bébé mouche étranglé par son piège soyeux. ».

La transcendance de la cicatrice qui fait sens… « Tu es ma troisième jambe, celle qui ne boite pas, et moi je suis l’oeil que tu as perdu. » Oui, mais. Dans ce roman, rien ne va tout à fait comme on voudrait. Bientôt embarqués dans un étrange road-trip, « ça paraît presque incroyable qu’on puisse rouler si longtemps dans un si petit pays sans jamais vraiment arriver nulle part », le narrateur et One Eye font penser à Des Souris et des Hommes. Mais qui est Lenny ? Les deux, tour à tour. La nature est implacable, et cruelle la société, pour ceux qui ne rentrent pas dans son moule.

« Je me demande si certaines créatures tuées sur la route n’avaient pas envie de mourir, au fond, si elles ne se seraient pas jetées sous les roues du véhicule. Une hirondelle léthargique incapable d’affronter un retour vers l’Afrique à tire d’aile. Un hérisson insomniaque ne supportant pas l’idée de rester éveillé tout l’hiver sans personne à qui parler. »

Jusqu’au bout, le livre est impeccable, quatre saisons mêlant force, justesse, âpreté, humour et mélancolie. Une fin saisissante, sans parler de deux ou trois révélations qui précèdent… Hum hum. Un deuxième roman de Sara Baume (A Line made by walking) a paru en 2017. Ça promet !

« Nous ne sommes plus des créatures de la routine ; nous sommes des créatures du possible. »

NB : Ah, j’oubliais ! L’objet livre est très élégant, illustration, couleur, un papier d’une très belle qualité et en son coeur on a la surprise de découvrir un marque-page au nom du livre. J’aime !

  14 comments for “Dans la Baie fauve – Sara Baume

  1. 4 février 2018 à 11 h 42 min

    Les extraits sont tentants. Sinon, je ne suis pas sûre que je m’y laisserais prendre.

    Aimé par 1 personne

    • 9 février 2018 à 21 h 33 min

      Vraiment, c’est différent. Il faut se laisser tenter. Sara Baume a un talent fou.

      J’aime

  2. 4 février 2018 à 13 h 54 min

    les extraits me plaisent beaucoup et le thème aussi alors je me le note 🙂

    Aimé par 1 personne

  3. 6 février 2018 à 20 h 21 min

    La couverture est magnifique et en plus il y a un marque page. J’adore collectionner les marques page. L’histoire est belle. Je suis tellement attaché à ma petite chienne Malzenn. Je suis sûr que ce livre me plairais. Merci pour ce beau partage. Belle soirée à toi, Bises bretonnes 🙂 🙂

    Aimé par 2 personnes

  4. 9 février 2018 à 13 h 52 min

    Je vais aimer ce livre et son marque page…. MERCI

    Aimé par 1 personne

    • 9 février 2018 à 21 h 22 min

      J’espère que cette lecture pas comme les autres te procurera autant de plaisir qu’à moi 🙂 et le marque-page, oui 😍 Bon weekend Eveline, bises !

      Aimé par 1 personne

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