Article 353 du code pénal – Tanguy Viel

Les éditions de minuit, 2017. Réédition en poche aux éditions de minuit, collection « double », 2019 ; 176 p.

Mon avis :

Je me suis vraiment régalée avec ce roman de Tanguy Viel. J’avais déjà aimé Paris-Brest (où un des personnages s’appelle aussi Kermeur, d’ailleurs, c’est amusant) mais alors là ! J’ai été bluffée, tant par la maîtrise du style que par la construction, remarquable. Et cette fin ! Jubilatoire.

Article 353 du code pénal est un huis-clos entre deux hommes. L’un parle, l’autre écoute. Martial Kermeur est entendu par le juge dans l’affaire Lazenec. Il est accusé d’avoir jeté le promoteur immobilier à l’eau pendant une sortie en bateau dans la rade de Brest, ce qu’il ne nie pas. L’homme a été retrouvé noyé.

« Le mieux, a dit le juge, ce serait de reprendre depuis le début. »

Alors il raconte, Martial. Avec ses mots et son débit, comme « laissé seul à seul avec la parole, avec le désordre de la parole et mille pensées s’embouchant comme dans un entonnoir ». Il raconte son fils Erwan, sa femme qui l’a quitté, l’Arsenal qui l’a licencié, avec une prime compensatoire de quatre-cent mille francs. Il raconte la presqu’île (de Plougastel) où il vit, en face de Brest, de l’autre côté du pont et de la rade, « la lumière si belle qui traverse la roche en fin d’après-midi, le calme des fougères qui ont l’air d’absorber toute la douleur du vent […], la brume qui va et vient devant le soleil pâle ». Et puis il raconte Lazenec. Le type qui un jour a débarqué avec son costard, ses poignées de mains et ses sourires pour tous, et surtout un projet immobilier pharaonique extraordinaire, pile ce qu’il fallait pour tous les sauver du marasme ambiant. Et nous aussi on l’écoute, Martial. On découvre ses renoncements et ses faiblesses, l’amour inconditionnel qu’il voue à son fils Erwan, et la cascade de catastrophes qui lui tombe sans relâche sur le coin du museau.

Ce livre se lit d’une traite. Il est à la fois dense et fluide, nulle part rien n’est en trop, et pourtant cela semble avoir été écrit d’un seul jet. Ce même « faux débraillé étudié » dont je parlais dans Paris-Brest, sauf qu’ici c’est tellement abouti et habile que l’on ne devine aucune ficelle, que l’on ne remarque aucun coup de truelle. Article 353 du code pénal explore les rouages d’une vie. C’est aussi un roman social. Il est à découvrir ! (Et surtout sans avoir pris connaissance du contenu de cet article 353, ce serait vraiment trop dommage).

« […] il n’y a jamais eu de carte IGN qu’on nous aurait distribuée le jour de l’an pour nous conduire dans les temps futurs. Jamais rien d’autre que les lignes un peu floues qu’on essaie chacun de dessiner pour suivre la pente des saisons, mais c’est tout. […] tout le problème c’est qu’il faut encore prendre les virages soi-même. Encore que me concernant, je n’ai pas eu l’impression de prendre beaucoup de virages. C’est l’avantage de la bêtise : on reste au carrefour et on attend de se faire renverser par une voiture. »

  8 comments for “Article 353 du code pénal – Tanguy Viel

  1. Avatar de Yvan
    12 septembre 2020 à 19 h 33 min

    J’ai également adoré ce roman ! ❤️

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    • Avatar de Lettres d'Irlande et d'Ailleurs
      20 septembre 2020 à 21 h 27 min

      Génial ! Je vais enchaîner sur Jim Sullivan ( le titre exact m’échappe). Tu l’as lu ?

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      • Avatar de Yvan
        23 septembre 2020 à 19 h 49 min

        Non, je n’ai lu qu’un seul roman de Tanguy Viel pour l’instant… 😉

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  2. Avatar de Dans l'oeil d'une flâneuse Bretonne....
    14 septembre 2020 à 4 h 04 min

    Merci Hélène, ce livre va se rajouter à ma longue liste de lecture, c’est certain 📚💓

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  3. Avatar de lorenztradfin
    15 septembre 2020 à 8 h 57 min

    en effet, un très bon livre !

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    • Avatar de Lettres d'Irlande et d'Ailleurs
      20 septembre 2020 à 21 h 28 min

      Il fait d’ailleurs plutôt l’unanimité, car fait plaisir !

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