Beatlebone, 2015. Traduit de l’anglais par Carine Chichereau. Paru aux éditions Buchet-Chastel en janvier 2017.
Présentation de l’éditeur : L’Œuf de Lennon imagine le voyage incognito du célèbre Beatles, en 1978, sur l’île qu’il a achetée au large de la côte ouest irlandaise quelques années plus tôt.
En pleine crise existentielle, John décide d’aller s’isoler là-bas pour y pousser son cri primal et se libérer de ses démons. Mais pour ce faire, il doit d’abord quitter discrètement la côte en compagnie de son chauffeur – à l’occasion guide spirituel – Cornelius O’Grady, sorte de Sancho Panza à l’irlandaise. De rencontres improbables en mésaventures, de séances de chamanisme en beuveries sous des cieux peu cléments, le voyage prend peu à peu des allures d’odyssée…
Tout à la fois portrait de l’artiste et ballade picaresque, ce roman est un voyage à travers la grandiose nature irlandaise et la non moins grandiose nature de Lennon. Portée par ce personnage qui semble dépassé par sa propre mythologie, la plume de Barry interroge l’acte créateur et la nature même de l’identité avec une féroce et délicieuse intelligence.
Ma chronique :
L’Oeuf de Lennon est un ouvrage tout à fait étonnant. Autant le dire tout de suite, j’ai aimé. Emportée par la déferlante poétique de Kevin Barry dès les premières pages, j’ai parfois été déroutée, voire même – durant certains passages -, j’ai frôlé l’état dubitatif ; mais quelle savoureuse expérience de lecture !
Ce livre n’a rien de banal. Ni la forme typographique de son texte aligné à gauche et non pas justifié ; ni le style du récit en patchwork alternant des passages de prose poétique, des dialogues comme au théâtre, des allers à la ligne sans majuscules avec de grands blancs, et autres monologues intérieurs.
Partant de quelques faits réels, de voix, de lieux et d’une démarche créative qu’il va nous expliquer dans le sixième chapitre, Kevin Barry imagine une sorte d’anti biopic en forme de voyage, où on va suivre John Lennon et son inénarrable guide irlandais Cornelius O’Grady.
Le ton est admirablement lancé dans l’épigramme de ce roman pas comme les autres, avec une citation de l’immense John McGahern : « … la plus insaisissable de toutes les îles, la première personne du singulier ». Tout au long de ce roman, il va être question de quête, de sens, d’île, de soi. L’important, c’est le voyage. Vers Dorinish, vers son Cri primal à la Janov, vers l’origine, l’étincelle.
Si j’osais, je dirais que le génie irlandais se trouve au cœur de ces pages à la poésie jaillissante. Le génie de l’absurde à la Beckett, la mise en scène brillante, le souffle épique des épopées celtiques, le terreau d’une poésie séculaire, le cynisme et l’humour noir à la Flann O’Brien… Allez, j’ose.
Cette lecture ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais si vous tentez le voyage, vous y entendrez peut-être murmurer l’ombre de vos pas. Un grand merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel.
Quelques extraits :
« Cornelius ? La dernière chose que je suis capable de faire en ce moment, c’est de monter sur un putain de bateau.
Buvez votre thé, John. Après ça vous serez aussi en forme que Gandhi. »
« Son visage est plein de tics et de mouvements nerveux, à croire que de minuscules oiseaux désespérés sont pris au piège sous sa peau. »
« les formes de la nuit dans le parc
les arbres sombres accroupis
les arbres férocement serrés
ces créatures prêtes à bondir. »
« Tu fuis quoi ? demande Frank.
Tu fuis qui ? demande Sue.
Moi-même, répondit-il. Je serai le premier humain de l’histoire qui a réussi à semer son ombre, bordel. »
L’auteur : Né en 1969 à Limerick, Kevin Barry a également publié deux recueils de nouvelles. Son premier roman, Bohane sombre Cité a été publié en 2015 en France chez Actes Sud. Ma chronique est par là.
Quel bon choix, original et poétique ! Merci beaucoup ☺
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J’en avais lu une bonne critique sur Transfuge. L’originalité et la poésie font tilt. Je le note sur ma liste.
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Coucou ! une jolie découverte pour moi, merci pour ce beau partage, belle journée à toi, Bises bretonnes 😉 🙂
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Ravie de t’avoir fait découvrir cet auteur ! Bises aussi 😉
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