Scénario : Anna-Caroline Pandolfo ; Dessins : Terkel Risbjerg. Éditions Sarabacane, 2015
Ma chronique (décembre nordique, 2) :
Et bien voilà pour moi un nouveau coup de coeur ! Ce roman graphique de quasi deux-cent pages est une biographie romancée de la vie de la danoise Karen Blixen. Il retrace ses nombreuses existences en trois parties, Les vents contraires, Les vents d’est, Le vent tourne. Un nom de naissance, un nom d’épouse, un nom de plume.
Au printemps 1855 nait Karen Christentze Dinesen, au Danemark, surnommée Tanne. Fille de Ingeborg Westenholz, un modèle de vertu et de bonté chrétienne issue de la bourgeoisie et de Wilhelm Dinesen, le fils cadet d’une des plus grandes familles du pays, les Dinesen, elle grandit dans la propriété familiale de Rungstedlund, une vaste demeure nichée entre la mer du nord et un lac où viennent se poser des foultitudes d’oiseaux migrateurs. Son père en est un. « Les cigognes ! Elles n’ont pas le coeur en paix. Tu vas voir, elles hésitent un peu mais elles vont finir par céder à l’appel du large. ». Avant son mariage il a beaucoup voyagé, allant jusqu’à vivre un temps comme trappeur avec les indiens chippewas en Amérique.
La scénariste Anne-Caroline Pandolfo, en un bel hommage à l’oeuvre littéraire de Karen Blixen (qui a excellé dans ses Sept contes gothiques et Contes d’hiver), reprend ici le principe narratif du conte. Elle imagine sept bonnes fées se penchant sur son berceau : Shakespeare, Nietzsche, Shéhérazade, un lion, le Diable, une cigogne et un guerrier Africain. « Vos bouches sont pleines de mots et vos mots courent vite sur vos langues. La petite doit être puissante comme le lion, elle doit avoir l’esprit libre et savoir raconter des histoires qui donnent un sens à sa vie qui sera semée d’embûches… ». On les verra chacun tour à tour au fil de l’histoire. Ils vont en quelque sorte veiller à ce qu’elle devienne ce qu’elle fut vraiment.
Perte de son père, rébellion contre le conformisme austère de son éducation religieuse, pour la jeune Karen, les livres deviennent des armes contre l’enfermement intellectuel. Mais cela ne suffit pas à satisfaire sa conception de l’existence. « Je n’en peux plus ! J’ai besoin de poésie, d’imagination, de grandeur, de folie ! ». En 1903, elle entre à l’Académie des Beaux-Arts de Copenhague. Mais là aussi, les demoiselles sont reléguées au second plan. « 1. Je suis une femme. 2. Je suis née en 1885. 3. Je vis au Danemark. 4. Ma famille a des idées de petits-bourgeois. 5. Ma famille est religieuse, protestante, luthérienne et unitariste. 6. Je suis la seule à m’inquiéter de 1, 2, 3, 4, 5… Que faire ? »
L’une des filles du comte Mogens (la branche aristocratique de sa famille), Daisy Frijs, insouciante, excentrique et frivole, est devenue sa meilleure amie. Elle va lui présenter Hans von Blixen-Finecke et son jumeau Bror. C’est ce dernier qui va finalement lui permettre de sortir de cette existence prévisible et morne, en lui proposant le mariage, l’Afrique et une plantation de café au Kenya.
Je ne vais pas tout raconter, quand même, je précise juste que la BD passe finalement assez vite sur les dix-sept années de Karen en Afrique. Personnellement, j’ai trouvé ça plutôt bien. Tout est dans le Out Of Africa de Sidney Pollack, n’est ce pas ?! C’est l’occasion de le revoir une énième fois. « J’avais une ferme en Afrique, aux pieds des collines du Ngong… » Et après l’Afrique, le dernier chapitre, Le vent tourne, raconte le retour au Danemark, la force de caractère hallucinante de cette femme qui surmonte toutes les pertes et les chagrins en se tournant vers l’écriture, sous le pseudonyme Isak Dinesen.
J’ai aimé le dessin de Terken Risbjerg, aquarelle et trait délicat, expressif, aux couleurs et à leur absence, pleines de lumière.
Une vie fascinante et un coup de coeur pour ce roman graphique ! Un très beau voyage.
« — Lève les yeux, Farah ! Toi et moi… Nous sommes des animaux sauvages, ici ! Et je suis fière d’être un flamant rose au milieu des poules et des moutons !
— Tu n’es pas un flamant rose, M’sabu… Tu es une lionne ! »
♥
Je vais peut-être me laisser tenter par ce roman graphique qui a l’air très intéressant.
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Oui, tout à fait intéressant, frais, émouvant et agréable à lire. Un beau portrait de femme. Tu ne devrais pas regretter de te lancer 😀
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J’adore Karen Blixen, j’aimerais beaucoup lire ce roman graphique.
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Je suis comme toi ! Et franchement, ce roman graphique est une réussite. Maintenant, je lorgne sur la biographie de Dominique de St Pern, « Baronne Blixen ».
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Je note ! =)
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Youpi !
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oh punaise on voyage avec cette BD didonc….ouiii cela semble formidable et toute une femme en plus
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très envie de me laisser tenter moi-aussi. J’ai beaucoup aimé le livre « La ferme africaine » de Karen Blixen, beaucoup pleuré avec le film…. alors je note illico 🙂
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Comme toi, j’ai lu la ferme africaine il y a longtemps et je pleure toujours en regardant le film… Fonce ! 😀
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Les romans graphiques sont devenus de beaux objets qu’on a plaisir à lire. Il y a un grand effort de fait par les maisons d’édition. C’est chouette ! Belle journée à toi, Bises bretonnes 🙂
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Oui, absolument, ils abordent de plus en plus de sujets passionnants, et quel talent ! Bises, Frédéric, bonne fin de weekend
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