Anthologie bilingue anglais / gaélique – français.
Poèmes traduits et sélectionnés par Clíona Ní Ríordaín et Paul Bensimon.
454 pages. Editions Illador, 2015.
Ma chronique :
Jeune poésie d’Irlande présente vingt-six poètes nés entre 1941 et 1984, dont huit écrivent en langue gaélique. Tous ont publié au moins un recueil de poèmes.
L’Irlande est divisée en quatre provinces. La plus méridionale du pays est le Munster, constituée de six comtés : Cork, Kerry, Waterford, Clare, Limerick, Tipperary.
« Les différentes voix portées dans cette anthologie sont toutes, chacune à leur manière, porteuses de l’accent du Munster »
Le livre en lui-même est sobre et plaisant, un papier de qualité, une présentation élégante. une tranche souple qui ne s’abîme pas ; le plaisir de lecture est réel de bout en bout.
Pour chaque auteur, une courte introduction présente quelques éléments biographiques, situe son parcours et expose ses diverses publications, ainsi que les grands thèmes abordés dans son oeuvre. C’est concis, mais très intéressant.
J’ai lu les poèmes en anglais dans leur version originale, toujours meilleure. Les poèmes en gaélique par contre, pas le choix, je les ai lus en français ! Et j’ai trouvé les traductions agréables. A ce propos, bravo à Louis de Paor (un des poètes de cette anthologie) qui apparemment inclut dans ses ouvrages les plus récents des CDs permettant l’écoute de ses poèmes ! Entendre les poèmes en gaélique doit être un plaisir rare.
Les poètes gaélophones présentés ici font partie pour beaucoup de cette génération qui lança un défi « aux trois vaches sacrées de la poésie gaélique : ruralité, nationalisme, religion ». Ils ont fait entrer dans leur poésie les banlieues, la violence, les drogués, ils proclament leur incroyance, dénoncent le chauvinisme et l’intégrisme culturel.
Par exemple Michael Davitt et son poème Revival, qui manie un bel humour ! (voir plus bas dans la rubrique « extraits »).
J’ai fait de très belles découvertes, entre autres Michael Hartnett (« and to our bugbear Mr. Yeats / who forced us into exile / on islands of bad verse »), Eilann Ni Chuilleanain (désolée pour le non placement des accents sur les noms gaéliques dans ce billet), Paul Durcan, Bernard O’Donoghue (un de ses poèmes s’intitule « Westering Home » : vraiment j’adore le formulation ! Dorénavant c’est ainsi que je dirai lorsque je reprendrai la route vers Brest !), Gregory O’Donoghue (gros coup de coeur), Nuala di Dhomhnaill, Robert Welch, Theo Dorgan, Thomas McCarthy, Michael Davitt et l’humour mordant de Martina Evans…
L’anthologie Jeune Poésie d’Irlande est une lecture passionnante, que je conseille aux amateurs de poésie et (ou) d’Irlande, et à tous les curieux. Elle se dévore !
Un immense merci à Babelio et aux éditions Illador pour ce magnifique envoi.
Pour mémo : liste des 26 poètes présentés dans cette anthologie, ici par ordre alphabétique,
Colm Breathnach (1961-)
Patrick Cotter (1963-)
Michael Davitt (1950-2005)
Greg Delanty (1958-)
Louis de Paor (1961-)
Theo Dorgan (1953-)
Sean Dunne (1956-1995)
Paul Durcan (1944-)
Martina Evans (1961-)
Michael Hartnett (1941-1999)
Catherine Phil McCarthy (1954-)
Thomas McCarthy (1950-)
Gerry Murphy (1952-)
Eilean Ni Chuilleanain (1942-)
Nuala Ni Dhomhnaill (1952-)
Ailbhe Ni Ghearbhuigh (1984-)
Doireann Ni Ghriofa (1981-)
Bernard O’Donoghue (1945-)
Gregory O’Donoghue (1951-2005)
Liam O’Muirthile (1950-)
Derry O’Sullivan (1944-)
Leanne O’Sullivan (1983-)
Billy Ramsell (1977-)
Maurice Riordan (1953-)
Gabriel Rosenstock (1949-)
Robert Welch (1947-2013)
Deux extraits :
• Un poème de Eilean Ni Chuilleanain, qui m’a vraiment émue :
Translation
(for the reburial of the Magdalenes)
The soil frayed and sifred evens the score –
There are women here from every county,
Just as there were in the laundry.
White light blinded and bleached out
The high relief of a glance, where steam danced
Around stone drains and giggled and slipped across water.
Assist them now, ridges under the veil, shiftling,
Searching for their parents, their names,
The edges of words grinding against nature.
As if, when water sank between the rotten teeth
Of soap, and every grasp seemed melted, one voice
Had begun, rising above the shuffle and hum
Until every pocket in her skull blared with the note –
Allow us now to hear it, sharp as an infant’s cry
While the grass takes root, while the steam rises :
Washed clean of idiom • the baked crust
Of words that made my temporary name •
A parasite that grew in me • that spell
Lifted • I lie in earth sifted to dust •
Let the bunched keys I bore slacken and fall •
I rise and forget • a cloud over my time.
• Et un poème (dont la version originale est en gaélique) de Michael Davitt :
Revival
On m’avait prié de donner une conférence
dans un cours d’été comme tant d’autres,
et j’avais dit que j’acceptais. On avait souhaité
que je fournisse auparavant un titre provisoire.
O.K., que je dis, tout en réfléchissant
à quelque chose d’intelligent,
qui convienne à un homme de lettres :
« Comment la langue irlandaise m’a revivifié »
(« après m’avoir, putain ! presque tué »,
j’ai omis de le préciser, mais nous
reviendrons là-dessus plus tard).
J’avais fait mon lit…
Seulement tous les mots que j’écrivais
dégageaient une puanteur infernale
et finalement j’abandonnai.
Quand vint le grand jour
je dis que tout ce que j’avais c’était des poèmes
et quelques mots en guise d’explication :
seulement la plupart des gens qui étaient venus
n’avaient pas de notion d’irlandais, et moi pas de traductions,
grâce à Dieu.
Belle chronique
Ca va l’anglais ? Pas trop d’adjectifs pour nous perdre, pauvre non anglophones ?
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Merci 🙂
L’anglais, ben ça progresse tous les jours ! De l’avantage d’une édition bilingue, quand on ne connait pas un mot, des mots, ça aide pour s’y retrouver 😉
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