Casterman, 2015. Scénario et dessin : Zeina Abirached.
Ma chronique :
La couverture de ce roman graphique de la dessinatrice libanaise Zeina Abirached m’avait bien accroché le regard au salon de Montreuil en décembre dernier ; le billet de Kathel me l’a rappelé. Résultat : un gros coup de cœur pour ce Piano oriental, une belle histoire en noir en blanc dans le passé et le présent, qui tisse des ponts entre orient et occident. Une autobiographie de famille romancée, est-ce que ça se dit ?
On ne le sait pas forcément, mais « sur un clavier de piano, l’intervalle minimal entre deux touches correspond à un demi ton. […] or, dans la musique orientale, l’intervalle le plus petit est le quart de ton : on ne peut donc pas jouer une mélodie orientale sur le clavier d’un piano ». Réussir cette prouesse technique, créer un piano « bilingue », c’est l’oeuvre de la vie d’Abdallah, son rêve, que nous raconte avec talent son arrière-petite-fille, Zeina Abirached. Si la musique est un pont, la langue en est un autre : c’est celui-là qu’a quant à elle arpenté Zeina, bilingue français-arabe, et qu’elle nous livre avec beaucoup de poésie en chapitre alternés avec ceux consacrés à Abdallah.
Née et grandie à Beyrouth, longtemps Zeina a associé le français au noir et blanc car les manuels scolaires pour l’export étaient en noir et blanc et les VHS passaient toutes en noir et blanc car les lecteurs étaient en PAL (On comprend la BD en noir et blanc !). Et quand la guerre éclate : « {Ses] notes en arabe étaient de plus en plus catastrophiques. L’arabe était la langue de la violence du monde dans lequel nous vivions. C’était la langue des miliciens, celle des barbares armés, celle de la radio. L’arabe était la langue des mauvaises nouvelles. Celle de ce qu’on a envie d’oublier. Les mots en français étaient devenus un refuge. »
Abdallah invente une pédale pour que le piano puisse tout jouer d’un bout du monde à l’autre, et Zeina « tricote depuis l’enfance une langue faite de deux fils fragiles et précieux. » Le français et l’arabe sont sa langue. Deux êtres confrontés à deux mondes qui semblent inconciliables et qui vont chacun à leur manière réussir la possible alchimie.
L’ensemble est fluide et impressionnant, le dessin gracieux et inventif, plein de surprises. Dans ce livre, le son est partout. Les pages ont leur rythme propre, ornementées à l’aide de motifs foisonnants, on se retrouve dans les rues, avec les bruits de circulation, les sonorités des accents, dans les imaginations où les rouages s’imbriquent. C’est enlevé, émouvant, souvent drôle, les personnages sont vraiment attachants. Une plongée dans certains pans de l’histoire du Liban et ses liens avec la France, dans l’enfance et les rapports à la langue, dans la vie d’expatriée.
« Un piano oriental… cette étrange juxtaposition de deux visions du monde que rien ne semble pouvoir lier, sa musique double, le son léger du déhanchement inattendu d’une note au milieu d’une phrase, je les porte en moi. Être un piano oriental, c’est ouvrir une fenêtre à Paris et s’attendre à voir la mer. »
A découvrir !
Très belle BD, de celles que je garde pour les relire !
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Moi aussi je la relirai 🙂
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La couverture me dit vaguement quelque chose mais c’est tout. Effectivement, ça a l’air sympa !
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Tu te souviens un moment on s’était perdues. C’est là que je suis passée deux ou trois fois devant ^^
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Je note, j’aime le sujet et le dessin semble vraiment beau !
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Oui, une lecture plaisir tant sur le fond que la forme, c’est vrai 🙂
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merci pour la découverte, je note sur ma liste, bon après-midi 🙂 Bises !
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Heureuse que cela t’intéresse, à bientôt, bises !
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J’ai beaucoup aimé aussi ! Très original.
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Tu en as lu d’autres, d’elle ? Je suis preneuse de conseils 🙂
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Pas encore lu celui-ci mais je l’ai noté. J’aime bien la couverture…
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Pareil, la couverture m’avait tapé dans l’oeil au salon du livre de Montreuil ; )
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