Une longue impatience – Gaëlle Josse

Les Éditions Noir sur Blanc, janvier 2018 ; 192 p – paru en poche chez J’ai Lu, 2019

★★★★★★★☆☆☆

Mon avis :

Je découvre Gaëlle Josse avec ce titre emprunté à la médiathèque. Je suis tombée, dès les premières lignes, sous le charme de son écriture.

Nous sommes en avril 1950, dans un village breton sur la côte. Un soir, Louis, le fils adolescent d’Anne, ne rentre pas. Yvon, son premier mari et père de Louis, a péri en mer pendant la guerre (à ce propos, je ne savais pas que les Anglais bombardaient les bateaux de pêche Bretons car susceptibles de ravitailler les Allemands !). Anne s’est remariée avec Etienne Quéméneur, amoureux d’elle depuis l’enfance. « Moi, la sauvageonne, l’inapprivoisée, et lui, le fils du pharmacien. ». Etienne a promis de veiller sur Louis comme son propre fils, mais deux enfants naissent et Etienne devient brusque avec Louis. « Etienne, qui m’a sauvée et détruite. Ses mains brûlantes dans la nuit, au creux de notre lit, dans le froissement des draps, ses lèvres qui savent tout de moi, et aussi ce regard glacé qui me fend en deux, ce mur étanche, dès qu’il s’agit de Louis. ». Et puis un soir, après la correction de trop, Louis ne rentre pas. Commence alors pour Anne une attente affolée, inquiète, une attente qui n’en finit plus.

Une longue impatience, c’est l’histoire d’une absence qui hante une mère jusqu’à la folie. Je ne spoile pas vraiment – on l’apprend page 35, Louis a « simplement » fugué et s’est embarqué. Mais savoir Louis en vie n’atténue en rien la douleur de l’amour maternel amputé, qui prend toute la place et vire à l’obsession. « Je suis envahie, pénétrée, toute résistance devenue inutile, par les coups sourds, aveugles, insistants d’une souffrance qui ne me laisse aucun repos. Je vis avec une absence enfouie en moi, une absence qui me vide et me remplit à la fois. ». Anne se consume d’amour pour un fils qui ne daigne même pas lui donner de nouvelles, ni répondre à ses lettres. C’est tellement triste, d’une manière terrifiante. Car même si elle aime ses deux autres enfants, son monde s’est comme vidé de toute lumière.

La détresse de cette femme est touchante et l’émotion m’a parfois assaillie en creux, dans certains non-dits, comme si les mots de Gaëlle Josse tissaient des cocons aux émotions pour qu’elles viennent y nicher. Une écriture toute en délicatesse et sensibilité, qui sonne souvent très juste. J’ai pourtant quelques bémols, en particulier concernant la personnalité d’Anne, pas vraiment cohérente, et la fin, qui m’a plutôt énervée qu’autre chose, finalement. Mais ce roman m’a touchée dans son ensemble, comme une histoire tissée autour d’une vieille photo fanée – la jolie couverture, mais en plus triste et daté.

« Ma maison à moi, c’est l’attente. »

  6 comments for “Une longue impatience – Gaëlle Josse

  1. 24 mars 2021 à 14 h 02 min

    j’ai beaucoup aimé ce roman, la poésie, la broderie…

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  2. 27 mars 2021 à 20 h 02 min

    Je viens de terminer Ce matin-là. Très juste et très lumineux, malgré la lourdeur du sujet. J’avais beaucoup aimé, aussi, Une femme en contre-jour. Bref, tu me donnes évidemment envie de poursuivre ma découverte de Josse avec cette Longue impatience!

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  3. 28 mars 2021 à 16 h 45 min

    Je connais seulement de nom et de réputation cette auteure Gaëlle Josse. Je note tes réserves sur ce livre Hélène. Beau dimanche à toi 🙂

    Aimé par 1 personne

    • 30 mars 2021 à 18 h 57 min

      Oui j’ai aimé l’écriture mais j’ai quelques réserves, comme tu dis 🤔Je vais continuer avec Le dernier gardien d’Ellis island, il semble avoir recueilli tous les suffrages de celles et ceux qui comme moi ont un peu tiqué sur Une longue impatience. A bientôt Frédéric, merci pour ta présence, bises

      Aimé par 1 personne

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