Ghost Moth, 2013. Traduit de l’Anglais (Irlande) par Anouk Neuhoff. Editions Quai Voltaire / La Table ronde, 2016.
Née à Belfast, Michèle Forbes est une actrice de théâtre, de cinéma et de télévision. Parallèlement à sa carrière artistique, elle a étudié la littérature à Trinity College, puis travaillé comme critique littéraire au Irish Times. Ses nouvelles ont été couronnées par plusieurs prix nationaux. Elle vit près de Dublin avec son mari et ses deux enfants. Phalène fantôme est son premier roman.
Ma chronique :
Phalène fantôme est un roman gigogne. Lorsqu’on effleure sa surface en tournant les premières pages, on découvre Katherine en août 1969, épouse comblée et mère de famille accomplie. Mais un incident de baignade fissure ce quotidien harmonieux. La tête d’un phoque surgit brusquement des flots près d’elle, un peu trop au large de la plage. Elle réchappe de justesse à la noyade, mais ne maîtrise pas le déferlement des souvenirs que cette apparition déclenche. Des souvenirs endigués depuis longtemps.
Vingt ans.
En 1949, Katherine était commis aux écritures à la banque d’Ulster et le soir elle brillait sur les planches de théâtres amateurs en interprétant Carmen. Portée par sa voix d’ange, elle rêvait de « chanter dans le monde entier, voyager, et voir ce que le monde [avait] à offrir ». En 1949, elle est fiancée depuis deux ans à George, ingénieur et pompier volontaire. Il est sérieux, fiable, « un brave homme, prévenant, attentionné, que la passion [effraye] un peu ». Jusqu’à ce soir d’essayage pour sa robe de scène, ce soir où tout bascule lorsqu’elle rencontre Tom, un jeune tailleur, duquel elle va tomber éperdument amoureuse.
« Avec Tom […] tout lui [parait] vibrant de gaieté, chargé de promesses et plein de vitalité. ». « Il sait faire jaillir le merveilleux de l’ordinaire », avec lui, « la lumière [triomphe] ». Un passage du roman m’a particulièrement ravie, (page 82 et 83), lorsque Tom explique à Katherine les différentes étapes de la confection de sa robe, mimant sur elle chaque geste, les termes de couture deviennent de véritables écrins sensuels : « D’abord je vais passer la roulette à tracer sur les lignes du patron en papier. La roulette ne fera aucun bruit lorsqu’elle suivra, docile, le délicat mouvement de mon bras autour de ta silhouette. » La main de Tom quitta l’épaule de Katherine pour descendre le long de son bras. […] ». Tom, qui note dans son carnet de mesures des passages de Bright Star de John Keats… La grande émotion ; pour les connaisseurs, la messe est dite.
Entre les différentes époques, des drames se jouent.
En 1969, les Troubles couvent à Belfast, les vexations contre les catholiques se généralisent et s’intensifient, les bus brûlent, les cocktails Molotov explosent un peu partout. Pour Katherine et sa famille qui sont catholiques et vivent dans un quartier à très grande majorité protestante, le quotidien se pare des teintes de l’appréhension et de l’incertitude.
Phalène fantôme se révèle un roman plus dense qu’il n’y parait, gigogne, en pelures d’oignon (d’ognon ? Haha). On entre à mesure profondément dans les psychés des personnages, dans leurs secrets, leurs souvenirs enfouis, leurs contradictions, faiblesses, choix et indécisions ; ce qui les meut, les unit ou au contraire les fige et les éloigne. Le titre « Phalène fantôme » est révélé dans un passage délicatement fantastique. Cette dimension va planer agréablement le long des pages.
Dans ce roman, il est terriblement question d’amour, certes, d’amour et de mort, mais c’est également une réflexion intelligente sur la vie et l’attachement, ainsi qu’un témoignage d’époque poignant sur l’émergence des Troubles en Irlande du Nord. Ce premier roman est vraiment très abouti et ne laisse pas indifférent. J’ai parfois grincé des dents, mais si la fin m’a arraché quelques larmes, jamais Michèle Forbes ne sombre dans la facilité du mélodrame. Son style imagé est précis, maîtrisé et souvent très poétique. Quelques passages sont particulièrement émouvants. Phalène fantôme est une superbe découverte et je remercie vivement Gwenaëlle et les éditions Quai Voltaire / La Table ronde pour cet envoi.
Sans doute un de mes prochains, quand ma PAL irlandaise aura un peu baissée – sauf si je craque avant car ton billet aiguise ma curiosité ! 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
* baissé
J’aimeJ’aime
Ravie que mon billet chahute peut-être tes prévisions, ça fait plaisir 🙂
J’aimeJ’aime
Ce sera ma prochaine lecture …
J’aimeAimé par 1 personne
Bon choix 🙂
J’aimeJ’aime
la couverture est belle et le thème du livre me plais drôlement. Merci pour ce conseil lecture et bonne journée à toi 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Ravie que ce roman t’inspire. Bon temps à toi également 🙂
J’aimeJ’aime
Ce roman me fait méchamment de l’œil depuis plusieurs semaines sur les étagères de ma librairie… Il faut que je le lise !
J’aimeAimé par 1 personne
Super ! J’aurai hâte de lire ton avis !
J’aimeJ’aime
J’ai adoré et j’aime ton image de roman gigogne, c’est tellement ça. Billet rédigé. En ligne demain. Je fais un petit lien vers le tien ;).
J’aimeAimé par 1 personne
Je suis vraiment très heureuse qu’il t’ait plu ! Merci pour le lien, j’ai hâte de lire ton billet 🤗
J’aimeJ’aime