Red sky in morning, 2013. Traduit par Marina Boraso. Albin Michel, 2014 ; réédité en poche au Livre de Poche, 2015
Ma chronique (initialement publiée sur Babelio le 6 novembre 2014 – je réalise ce soir que je ne l’ai jamais publiée sur le blog ! j’y remédie, avec quelques « arrangements »)
Dans ce premier roman, Paul Lynch fait preuve d’une qualité d’écriture absolument remarquable : un lyrisme sombre, une poésie, une puissance extraordinaire.
1832, du Donegal à la Pennsylvanie en passant par Derry – et une traversée terrible de l’Atlantique : c’est un destin bouleversé que nous fait vivre Paul Lynch ; celui de Coll Coyle, métayer expulsé avec sa famille par son riche propriétaire anglais. L’incident irréparable. La fuite en avant en forme de chasse à l’homme.
Dans l’ensemble, ce roman m’a ravie. On y perçoit avec une acuité presque magique la vie de l’époque et certaines ambiances (le port populeux et l’attente avant l’embarquement – la traversée m’a énormément plu), la différence de classe, la condition d’émigrant, la peur devant la maladie et la cruauté. L’instant où la vie bascule, ce presque rien qui mène à la chute, inexorable ; et le feu pourtant toujours tenace qui brûle en l’homme, d’exister. J’ai beaucoup aimé l’épilogue.
Quelques bémols, cependant, à mon sens : dans la première moitié du roman, l’écriture est parfois tellement travaillée que l’intrigue s’en trouve délayée, voire même carrément perdue, dans l’observation du grain d’un nuage ou de la rugosité d’une planche. Coyle manque de consistance et même hélas un peu de crédibilité. Ensuite, j’ai trouvé à plusieurs reprises des invraisemblance dans certains enchaînements d’action. Et pourtant, là, Coyle a pris de l’épaisseur, et je me suis vraiment attachée à lui. L’amitié qu’il noue avec Cutter est formidable, leur périple américain, terrible, extraordinaire.
Dans l’ensemble, ce roman est incontestablement de très grande qualité ; une belle lecture et un grand voyage ; je le conseille.
Quelques extraits :
« Les mots sont sortis de sa bouche, mais il manque pour les étayer la fermeté de la certitude, aussi vont-ils se perdre dans la mousse, balayés par le vent, un tremblement dans la voix du jeune homme trahissant le mensonge. »
« Et alors plus rien n’existe que les flots, torturés par des mains invisibles, maelstrom fuligineux qui aspire le bateau vers le fond avant de le recracher. La Murmod donne de la bande, sa charpente rudoyée se tord en gémissant et tous à part le capitaine craignent de la voir se disloquer. Les matelots se démènent, mus par une force surnaturelle, tels des incubes qui auraient absorbé l’énergie des passagers démunis terrés à fond de cale, condamnés à ballotter sur leur couchette, dans l’obscurité, les entrailles et l’esprit remués par une nausée qui les accable et les renvoie au néant de leur propre impuissance. »
« Le jour s’achève sous un ciel muet. Le forgeron lève les yeux vers les rougeurs du couchant. À l’ouest une estampe d’ombres sur le ciel, et les nuages embusqués, avec leur provision de pluie. Le vent exhale de longs soupirs, les feuilles tiennent fermement aux branches, seul l’automne les décrochera. Le monde s’enfonce dans la nuit, les oiseaux enfouissent la tête sous leur aile. Il règne un grand silence jusqu’à ce que les nuages crèvent, et un déluge descend sur la terre impassible, la vieille terre tremblante qui tourne le dos au soleil déclinant. »
L’auteur : né en 1977 dans le Donegal (le Comté le plus au nord de l’Irlande), Paul Lynch est journaliste et critique de cinéma, il écrit régulièrement dans le Sunday Times, l’Irish Daily Mail et l’Irish Times. Un Ciel rouge, le matin a été salué unanimement par la presse comme une révélation. Il a été finaliste en France du Prix du Meilleur Livre étranger. Depuis, il a écrit La Neige noire, paru chez Albin Michel en 2015 (The black Snow, 2014). Son troisième roman, qui sera une suite à Un Ciel rouge, le Matin, Grace, va sortir cette année. Il sera publié en France en 2018 chez Albin Michel. Youpi.
C’est une découverte pour moi cet auteur , « la neige noire » me paraît très bien aussi ….. merci
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Oui, je n’ai lu que de bons retours sur la Neige noire ! Merci à toi, bises 🙂
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J’ai aimé La neige noire et suis très intéressé par ce livre.
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Je n’ai pas encore lu La neige noire, mais il attend dans ma Pal 😉
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Coucou ! la découverte pour moi que cet auteur. La couverture et le titre j’aime beaucoup ! belle semaine à toi ! merci du partage, Bises bretonnes 😉 🙂
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Coucou 🙂 La couverture est très belle, c’est vrai, et le titre superbe et en plus fidèle à l’original, ça fait d’autant plus plaisir que ce n’est pas toujours le cas ! A bientôt Frédéric, bises
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