Þrír sneru aftur, 2014. Traduit de l’islandais par Éric Boury. Éditions Métailié, janvier 2018
Ma chronique (rentrée d’hiver 2018, 2) :
Il n’en revint que trois me laisse une impression de lecture mitigée. J’ai été enthousiasmée par la première moitié du roman, mais je suis hélas passée à côté de la seconde. Des passages splendides en côtoient d’autres bizarrement décousus, voire absurdes, ce qui m’a rendu l’ensemble trop inégal pour être vraiment plaisant. J’aurais mis mes déceptions sur le compte de la traduction, si elle n’avait pas été d’Éric Boury, dont le talent n’est plus à prouver. Il m’a sans doute manqué des références pour apprécier pleinement ce récit âpre et de plus en plus désillusionné.
Mais quelle première moitié ! Dans une ferme isolée, minuscule, cernée « de tous côtés par les champs de lave, les montagnes et la mer » vit un couple âgé, leur fils et leurs deux petites filles, que la grand-mère élève en bonnes chrétiennes, en vue de leur prochaine communion. Le quotidien et l’isolement sont aussi mornes que la galerie de personnages est rocambolesque, et de plus en plus savoureuse à mesure qu’elle s’étoffe d’un vagabond avec un chien et un chat dans son sac à dos, de deux jeunes étudiants anglais qui disparaissent bras-dessus bras-dessous et chevelus dans une faille et en ressortent quelques années plus tard en uniforme de l’armée britannique et très sérieux, d’un allemand caché dans une grotte qui reçoit en cachette sa fiancée au clair d’un soleil de minuit. La nature en elle-même est tout un poème, avec un « vent à décoiffer les renards [dévalant] le flanc de la montagne en rafales qui [percutent] le sol en rugissant avant de s’élancer à nouveau vers le ciel », et habitée par des présences incertaines : « Je me nourris des revenants qui m’habitent quand je suis à l’affût dans le noir, déclara le fils, interrompant sa mère. Je suis incapable de dire si je suis éveillé ou si je rêve que je dors alors qu’en réalité, je veille. Un jour, j’ai cru que j’étais un de ces fantômes qui hantent les mousses du champ de lave, ces fantômes-là passent leur temps à s’ouvrir le ventre avec leurs ongles, et en soulevant ma chemise j’ai découvert mon ventre lacéré comme si un des renards dont je garde les peaux y avait planté ses griffes. »
Dans ce roman, on voit de loin tout d’abord puis de plus en plus près et crûment l’Islande passer du moyen-âge à l’ère moderne. En un rien de temps, finalement, aussi soudainement que si elle était tombée dans une crevasse, poussée par son importance stratégique pendant la seconde guerre mondiale puis la guerre froide, envahie par l’armée britannique en 1940, puis sous contrôle des États-Unis à partir de 1941.
Une guerre vue comme une aubaine, « qui [leur permet] d’entrer de plain-pied dans le présent ». « [L’armée britannique] avait été remplacée par les troupes américaines qui avaient éradiqué le chômage et la pauvreté en faisant construire des baraquements militaires dans le village. » On gagne plus d’argent en louant sa terre à l’armée qu’en la cultivant… et certains alors déchantent : « En plus de créer des emplois de merde, l’armée accomplit la prouesse de transformer les éleveurs de moutons en maçons et les marins en laveurs de chiottes. »
Une lecture étonnante, donc, souvent belle et ambitieuse, mais d’un ensemble trop inégal à mon goût. En tous cas, ce roman change de ce que l’on peut lire habituellement sur l’Islande, et cela, c’est intéressant.
« Une nation en guerre n’a pas le choix : soit elle tue les autres, soit elle se laisse tuer. Ou alors, il faut que chacun reste chez soi le cul sur sa chaise, avec ses pieds plats et sa vue basse, à mourir d’ennui en trayant ses vaches. »
J’aime beaucoup le titre et l’histoire….. à lire….
Merci, bon week-end ☺
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C’est une découverte intéressante, tout à fait ! Bon weekend à toi aussi, merci 🙂
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Oui, une histoire qui change. Effectivement, dans la seconde partie, il me semble que l’auteur tente de montrer, notamment avec la lecture de ce livre de survivants sur un radeau, l’évolution des mentalités en situation plus cruelle, la part de cruauté en chacun de nous, l’inévitable chute vers le malheur après la perte des illusions de la jeunesse. Pas facile.
En tout cas, après les lectures pour le jury Elle, j’apprécie énormément ce genre de romans.
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Oui, certainement, et tu en parles très bien. Je viens de découvrir ta chronique, tellement pertinente ! C’était un pari ambitieux de la part de l’auteur. Un livre qui continue à prendre du sens une fois refermé.
Je suis toujours très intéressée par les choix éditoriaux des éditions Métailié. Originaux, décalés, ils apportent toujours des pistes intelligentes de réflexions voire de compréhension du monde actuel.
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l’Islande me tente toujours, je note le titre car je ne connais pas. Ma pauvre PAL va se retrouver atomisée à la longue 🙂
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Les pal c’est l’enfer. Mais si elles ne débordaient pas on se sentirait mal j’en suis certaine 😛
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en plus quand j’ai réussi à lire 3 livres, j’en rajoute 4 donc c’est sans fin 🙂
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😂 pareil pour moi ^^
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pour le coup c’est vraiment un récit qui a l’air d’être profondément original. La couverture est très belle. Un livre idéal en somme pour les longues soirées d’hiver bien au chaud. Merci pour ce joli partage. Je te souhaite une belle semaine, Bises de Bretagne 🙂
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Si tu es intéressé, je te conseille la lecture du billet de Jostein, je viens de rajouter le lien dans mon billet 🙂 Bonne semaine à toi aussi Frédéric, bises
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J’en suis encore à la première partie, je crains la suite du coup !
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Cela fonctionnera peut-être mieux avec toi 🙂 tu me diras !
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