Smile, 2017. Traduit par Christophe Mercier. Éditions Joelle Losfeld, août 2018, 256 p.
Ma chronique (rentrée automne 2018, 8) :
« J’allais dans ce nouvel endroit tous les soirs – enfin, toutes les fins d’après-midis. Au commencement, je devais me forcer à le faire, comme je serais allé à la messe, ou dans une salle de musculation. »
Victor Forde, 54 ans, est abordé un soir dans son pub familier par un type lourdingue, immédiatement désagréable, qui se présente comme un ancien camarade d’école. Ed Fitzpatrick. Cependant, bizarrement, Victor n’arrive pas à se souvenir de lui.
« Je n’appréciais pas Fitzpatrick. Mais il m’avait ramené tellement loin en arrière ; c’était l’appât, le leurre. Il ne s’agissait pas de nostalgie. Je ne le pense pas. »
Dialogues de pubs aux petits oignons, souvenirs d’enfance, d’école, Victor se livre, se rappelle, écrit, semble-t-il. Il raconte son grand amour, sa femme Rachel, leur rencontre, leur différence de milieu et de rapport à l’existence, la célébrité montante de Rachel, un jeune traiteur qui devient un entrepreneur en vue. Il raconte l’Irlande de ces années-là, la mort de son père, les années de collège chez les frères chrétiens, les brimades.
On sent assez vite que quelque chose cloche avec Victor, ou a cloché dans son passé. Des réactions épidermiques, une allusion de ci de là, au coin d’un dialogue ou de suspensions. Victor est un écrivain reconnu, mais il semble ne jamais rien avoir publié. Il se considère comme un imposteur. L’est-il vraiment, ou juste à ses yeux ? Cache-t-il un secret, à lui, à nous, va-t-on nous le livrer plus tard dans la lecture, ou devra-t-on le deviner ? Ce roman a une construction implacable. Le malaise et le mystère sont distillés avec art et parcimonie, tout au long de la narration, en alternant de grands pans de vie qui font rire et touchants. Mais toujours on revient au nœud gordien. Et sur les dernières pages, Roddy Doyle nous assomme. Jamais je n’aurais pensé à ça. J’ai terminé le roman avec cette envie de le reprendre immédiatement au début, comme Fight club, Usual suspects.
Même si j’ai bien aimé A la poursuite du grand chien noir, un des romans jeunesse de Roddy Doyle paru ces dernières années, avec Smile nous sommes un cran au-dessus. Dans la veine de La femme qui se cognait dans les portes… Quelle claque j’ai pris ! Une marqueterie de mots où chaque phrase est à sa juste place ; avec quelques angles vifs qui font saigner. Du très bon ! A découvrir. Merci aux éditions Joelle Losfeld et à Babelio !
« Je me suis penché par-dessus l’accoudoir du canapé et j’ai vomi. Le thé qua j’avais bu avec Brenda, les pintes, les lasagnes, les mensonges, les lacunes, les faits, tous les fragments de ma vie sont sortis en une seconde. »
Je te l’avais dit….
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Oui !!! 😍
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J’adore ces romans avec une fin qui permet de tout reconsidérer… je me suis régalée aussi à le lire.
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J’ai vraiment très envie de le lire…. merci Hélène
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Je note ce livre. Ta critique donne envie de s’y plonger. Toujours des choix pertinents, merci ! excellent weekend à toi et bises bretonnes 🙂
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J’avais beaucoup aimé sa trilogie (« The commitments », etc.) mais détesté « Paddy Clarke… ». Du coup, j’avais un peu laissé cet auteur de côté mais je note ce titre, car ton avis positif est un de plus que je lis.
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