Ce que Majella n’aimait pas – Michelle Gallen

Big girl, small town, 2020. Traduit de l’anglais (Irlande du Nord) par Carine Chichereau. Éditions Joëlle Losfeld, janvier 2023 ; 352 p.

Mon avis (Rentrée hiver 2023, 2) :

« C’était une ville où on ne pouvait se cacher nulle part, aussi les gens planquaient leurs secrets en pleine lumière »

Ce que Majella n’aimait pas est un roman original, authentique et persillé d’humour, porté par un souffle à part : où d’autres plumes auraient dérapé dans un misérabilisme poussif, l’autrice nord-irlandaise Michelle Gallen réussit au contraire, du début à la fin, à naviguer en douceur, d’une plume légère et pleine d’acuité. Et surtout, ce roman est porté par une figure que je ne suis pas près d’oublier : Majella, tellement attachante et incarnée, à qui on ne peut s’empêcher de souhaiter le meilleur.

« Se lever tôt, ça signifiait que la journée serait d’autant plus longue. Des heures et des heures à s’emmerder, à traîner à la maison en écoutant sa mère se plaindre de sa gueule de bois. »

Il ne se passe pas grand-chose, dans ce roman. C’est « juste » la vie. Une semaine de vie, du lundi au dimanche. La vie de Majella, la vie de sa petite ville d’Irlande du Nord située en bordure de frontière avec la République d’Irlande (Donegal), qui a pris cher avec les Troubles (le roman se passe cinq ans après à peu près), une petite ville où les quartiers catholiques et protestants sont toujours séparés par un pont, et où le taux de chômage chez les catholiques avoisine les 90 %… Une semaine de vie qui, on le réalise assez vite, contient de nombreuses autres semaines, car à Aghybogey, tous les lundis se ressemblent, tous les mardis sont pareils, et le reste à l’avenant. Majella travaille le soir dans un fish and chips qui, avec le pub, est l’attraction incontournable du quartier catholique d’Aghybogey (la seule ?!), et invariablement, comme le soleil se couche, untel vient manger un pané frites après avoir bu ses neuf pintes (!!!) et unetelle commande des pois au curry et des frites au vinaigre. Et toujours les mêmes gens, les mêmes blagues, tous les soirs, de tous les jours, de toutes les semaines…

Toujours pareil ? Non, en fait non, car le roman s’ouvre sur un drame : la grand-mère de Majella vient d’être assassinée, rouée de coups dans sa caravane, et la pauvre est décédée quelques jours plus tard à l’hôpital.

« Juste » la vie ? Certes, mais Ce que Majella n’aimait pas raconte une vie à part. Le père de Majella a disparu il y a des années, et Majella vit aujourd’hui seule avec sa mère belle, futile et colérique, dépressive et alcoolique. Majella est très corpulente et l’assume avec panache, tout en ayant développé une technique de caméléon pour ne pas être remarquée. Sans que cela soit vraiment dit, on la devine atteinte de troubles du spectre de l’autisme. Elle a appris les codes et les clefs pour vivre en société, les attitudes à avoir, les choses à faire et à dire pour passer la plus inaperçue possible dans ce monde trop étriqué pour elle à tous les niveaux. Majella a des marottes et des routines, et elle fait des listes. Il y a les choses qu’elle n’aime pas, avec en tête : le bavardage, les contacts physiques et le bruit ; et les choses qu’elle aime : manger et la série Dallas, son père et sa mémé, la Smithwick’s et faire le ménage, le sexe et les sèche-cheveux. Des listes avec des sous-catégories, par exemple, objet 3.7 : Bruit – les trucs qui se cassent (Ca m’a fait rire, ces listes détaillées).

« Majella trouvait ça vraiment dommage que Peadar doive grandir. Dans quelques années, il serait comme les autres, assis au bar à glousser, arborant une bedaine engraissée à la bière, trop bourré pour bander correctement. »

Les pages de Ce que Majella n’aimait pas se tournent au fil des jours à Aghybogey et au prisme des listes de Majella… et ce roman fut incontestablement un coup de cœur. Je vous en recommande vivement la découverte !


NB : Peu présente sur le blog depuis quelques semaines, car je lis à un et demi à l’heure. Ca m’a fait la même chose l’an dernier à la même période : fatiguée nerveusement et très occupée, je n’aspire pendant mes loisirs qu’à marcher, écrire et regarder pousser les fleurs. Heureusement, je suis entourée d’excellents romans que j’ai hâte de lire, et la panne de lecture n’a cette année été que frôlée, car je lis très peu, mais je lis ! Merci Majella ♥

  7 comments for “Ce que Majella n’aimait pas – Michelle Gallen

  1. 29 avril 2023 à 7 h 59 min

    Je suis ravie de te retrouver, encore davantage avec un roman irlandais ! (J’ai pensé à toi en voyant quelques programmes de la rentrée littéraire d’ailleurs 😉 )
    J’étais moyennement attirée par ce roman mais tu me donnes envie, bien sûr 😊

    Aimé par 1 personne

    • 1 mai 2023 à 17 h 25 min

      Merci beaucoup pour ton message, je suis touchée ! ♥ Oh oui dis donc j’ai vu aussi quelques futures publications formidables, je sens que cette rentrée aussi va me plaire ^^

      Je peux comprendre que ce roman ne t’ai pas attiré plus que ça de prime abord, il se coopte en fait, haha, c’est du bouche à oreilles 😀 Tu ne regretteras pas ta rencontre avec Majella, j’en suis certaine !

      Bonne semaine à toi, à bientôt !

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      • 2 mai 2023 à 7 h 44 min

        C’est chouette toutes ces heureuses perspectives !
        Oui, c’est une bonne analyse haha. En tout cas, il est remonté en haut de ma wishlist 😉
        Bonne semaine à toi aussi et à très vite !

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  2. 29 avril 2023 à 10 h 59 min

    Une lecture irlandaise, chouette ! Je ne suis pas fan de la couverture, mais je peux le noter pour sa sortie en poche, par exemple !

    Aimé par 1 personne

    • 1 mai 2023 à 17 h 29 min

      Oui, tant qu’à ne publier qu’un billet en avril, je suis bien contente qu’il ait été irlandais 😀
      Je ne suis pas non plus du tout fan de la couverture, qui pique les yeux et fait plus américaine que nord-irlandaise, niveau fast food ! Mais là aussi il ne faut pas se fier à l’emballage, ce qui s’y cache est précieux 🙂
      J’espère qu’il sortira en poche ♥ En attendant, s’il croise ta route en bibli, ne passe pas ton tour, conseil d’amie ^^
      A bientôt, bises

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  3. 15 mai 2023 à 6 h 40 min

    Tu m’as donné très envie de lire ce roman. Prends bien soin de toi.

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