La promesse de Dublin – Dominique Le Meur

DLM éditions, avril 2019

L’auteur : Dominique Le Meur est né à Auxerre et enseigne le français en Irlande, à l’université de Limerick, depuis 1992. Ses romans ont tous pour cadre l’Irlande. Irlande, Nuit celtique, son précédent roman, que j’ai lu en 2014, m’avait plu.

Ma chronique :

Rian est irlandais. Il vit à Limerick, bosse dans l’informatique, il est marié avec Shona. Peu de temps avant les noces, il a eu une aventure un soir de mission à Cork avec Madison, une canadienne d’origine irlandaise, venue provisoirement travailler en Irlande. Très vite entre eux, le temps se conjugue au présent et une liaison durable voit le jour… mais Rian ne parle pas à Madi de Shona, il ne lui dévoile rien de son mariage. De fil en aiguille, il va entamer une double vie.

Le roman commence deux ans après, à Montreal en 2015. Madison est rentrée au pays il y a quatre mois et Rian s’est décidé à la rejoindre, à la choisir, elle. Il honore ainsi une promesse qu’il lui a faite, lors d‘un weekend à Dublin. Le titre du roman est posé, mais bizarrement, Madison, qui devait venir le chercher à l’aéroport, ne se présente pas. Incompréhension. Une longue attente commence, durant laquelle les questions fusent dans sa tête. « L’hier l’assaille de nouveau », il repense aux deux années écoulées et nous livre une autopsie fine de sa double vie. Les crises d’humeur de Shona, soudaines et inexpliquées, les deux téléphones portables, les mensonges éhontés – il va jusqu’à ressusciter sa mère, quand même – pour justifier absences et rendez-vous manqués… « C’étaient deux vies séparées. Deux mondes parallèles qui ne se télescopaient jamais. »

La promesse de Dublin brosse aussi avec acuité le portrait d’une Irlande contemporaine en pleine mutation.

« Au milieu des années 90, l’Irlande a commencé une métamorphose spectaculaire. Le Tigre celtique poussait ses premiers rugissements. Les jeunes ne partaient plus. Mieux, certains revenaient, et des étrangers, rares jadis, faisaient résonner les rues de nouvelles langues, apportaient avec eux de la diversité. Le pays-chrysalide a alors peu à peu brisé le cocon qui le confinait à l’isolement au milieu de l’océan. On pouvait désormais y travailler, s’y affirmer. Exister. »

On y fait campagne en faveur du mariage pour tous, on manifeste contre la nouvelle taxe sur l’eau. J’y ai découvert la formidable prise de parole de Panti Bliss à l’Abbey Theater en 2014 (je vous glisse le lien par ici, le discours est traduit en français) et je sais maintenant comment faire habilement du porte à porte pour une cause (j’ai pris des notes !). J’ai aussi découvert le tableau L’homme de la plaine de l’expressionniste allemand Erich Heckel (vous pouvez l’admirer ici). Cette allégorie de l’oppression orne le bureau de Rian et il va s’y référer souvent, à mesure que sa propre oppression intime devient galopante. Il se sent cerné par ses dissimulations et ses mensonges, et arrive même à se mentir à lui-même : « Je n’ai jamais eu l’impression de tromper ni l’une ni l’autre ».

Le récit est mené avec habileté. On ne saura qu’à la fin – agréablement surprenante -, si ces existences sont bien réelles. La plume de Dominique Le Meur est vraiment plaisante : précise, sur le fil, travaillée sans lourdeur, et enrichie d’images vives.

J’ai vraiment beaucoup aimé cette épopée d’un menteur, sur fond d’Irlande aujourd’hui ! Deux existences parallèles, un homme, deux femmes, deux pays et une promesse.

« J’étais l’eau qu’on verse dans différents vases. prenant la forme de ses humeurs. »

★★★★★★★★☆☆

NB : Cette histoire mériterait un écrin moins austère, et un peu moins de fautes d’orthographe. Avis aux éditeurs…

  7 comments for “La promesse de Dublin – Dominique Le Meur

  1. 9 juin 2019 à 21 h 02 min

    J’ai pensé à toi car je vais emprunter « Grace » de Paul lynch à la médiathèque. Retour dans les prochaines semaines. Merci Hélène, excellente soirée à toi 😊 Bises bretonnes ensoleillées.

    Aimé par 1 personne

    • 10 juin 2019 à 11 h 26 min

      Tu l’auras donc lu avant moi ! J’aurai hâte de lire ton avis sur ce roman… Bonne fin de weekend prolongé, Frédéric, bises

      Aimé par 1 personne

  2. 9 juin 2019 à 21 h 23 min

    Belle histoire. Je lis  » chimères » de Nuala O’Faolain, pas récent mais je n’avais jamais eu l’occasion de le lire. Tu dois le connaître. Bises Hélène 😙

    Aimé par 1 personne

  3. 10 juin 2019 à 13 h 14 min

    je le note! ta critique me donne vraiment envie de le lire 🙂

    Aimé par 1 personne

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