Fiskarnir hafa enga fætur, 2013. (Magnifiquement) traduit de l’islandais par Eric Boury. Gallimard, collection Du Monde entier, août 2015.
Jón Kalman Stefánsson est né à Reykjavik en 1963. Romancier, poète et traducteur, il a reçu de nombreuses distinctions pour ses œuvres. En France nous l’avons découvert avec sa trilogie romanesque sur l’Islande de la fin du XIXème siècle (Entre ciel et terre, La tristesse des anges et Le cœur de l’homme) parue chez Gallimard entre 2010 et 2013, puis en poche chez Folio.
Ma chronique :
Je n’avais pas encore lu Jón Kalman Stefánsson et je suis totalement conquise. Cette lecture a été un coup de coeur. Des phrases belles à en pleurer, une profondeur, une sobriété, une puissance évocatrice ; un génie poétique. J’ai regretté de ne pas lire l’islandais, mais cette version française est déjà une pépite.
Ari, la cinquantaine, revient en Islande après une longue absence tourmentée de deux ans au Danemark. Il est éditeur. Son ami d’enfance l’attend à Keflavik, où ils ont passé une partie de leur jeunesse ; « Nulle part ailleurs en Islande, les gens ne vivent aussi près de la mort ». Cet ami jamais nommé, alter ego, narrateur, n’est peut-être qu’une voix dans la tête de Ari, qu’importe ; il raconte. Le passé de jadis, lorsque la mer faisait les hommes et que les hommes semblaient des Dieux, Oddur le grand-père, sa rencontre avec Margrét, la sœur de Tryggvi son meilleur ami, leurs vies. « En sa présence, chaque instant devient poème, symphonie insolente. C’est la réponse que Dieu a trouvé à la Mort, voyant qu’il avait échoué à sauver l’être humain de sa fin certaine, il lui a offert cette étrange lumière, cette flamme qui depuis réchauffe les mains de l’homme et le réduit en cendres, change les taudis en palais célestes, les palais grandioses en minables ruines, les réjouissances en solitude. Nous le nommons Amour, faute d’avoir trouvé mieux. »
Il raconte Ari, sa mère décédée trop jeune, son père remarié, et puis Keflavik entre 1976 et 1980, leurs années du passage de l’adolescence, les petits boulots, les éblouissements, les errances. Des personnages admirables. L’histoire nous mène et nous attire d’avant en arrière dans le temps, entre digressions et souvenirs, évolution de l’Islande et quêtes d’un sens à la vie, à chacune, à toutes.
« Ce qui nous empêche de nous désagréger […], de tomber en morceaux, de nous transformer en malheur, en plaie suintante ou en pure cruauté, c’est la poésie, la musique : l’art. »
Cette immersion dans des paysages sauvages et splendides, nature âpre et humanité farouche, m’a ravie. « Le vent qui hurlait, ce géant transparent et fou, puissance invisible et démentielle. » L’écriture m’a profondément touchée. Je me suis certes un peu perdue entre les personnages et les époques, mais qu’il est bon et salutaire de s’égarer, parfois ; c’est ainsi que l’on se trouve. Car en lisant cette chronique familiale, c’est aussi sa propre humanité que l’on arpente, l’envolée et le poids des générations passées.
« Il s’agissait là d’une course contre la mort, laquelle ne plie jamais, ignore ce que signifie renoncer, elle est infatigable, ne presse jamais le pas, mais rattrape toujours les coureurs les plus rapides et les plus endurants. »
Jón Kalman Stefánsson, un auteur à suivre.
Il faut que tu lise aussi « Entre ciel et mer ». J’ai aussi celui-ci et « La tristesse des anges » : je veux travailler moins pour lire plus ! 😉
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C’est clair que je lirai sa trilogie, en commençant par « Entre Ciel et Mer » ! Et oui, tout pareil pour la lecture 🙂
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A suivre – Comme Eric Boury !
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