The rising of Bella Casey, 2013. Traduit par Aline Azoulay-Pacvon. Quai Voltaire / la table ronde, mars 2016.
Ma chronique :
Un coup de cœur.
Ce troisième roman de Mary Morrissy est une biographie romancée de la vie de Bella Casey, la sœur aimée de Sean O’Casey, le célèbre écrivain et dramaturge irlandais. Je voulais écrire « ainée » (qu’elle est, de quinze ans), mais je garde ce joli lapsus, car Sean a adoré Bella.
Les Révolutions de Bella Casey, c’est l’histoire d’une jeune fille née à Dublin, issue d’un milieu protestant modeste, une personnalité brillante au tempérament volontaire et ardent, qui cherche à s’émanciper grâce aux études. Elle réussit à devenir institutrice. C’est l’histoire de son ascension, fauchée en plein essor par les attentions manipulatrices d’un homme d’église. C’est l’histoire de tant de femmes à tant d’époques, à qui l’on a inculqué dès le berceau la soumission aveugle à l’autorité masculine, du père, du curé, du mari ; pour sauver sa réputation elle va se faire épouser par un jeune militaire à belle prestance, ami de beuverie de ses frères, le clairon Beaver. C’est l’histoire de sa vie ensuite ; l’escalier savonné de son existence, entre sauvetage des apparences, culpabilité et dégringolade.
Mais ce livre est en fait bien plus que l’histoire de Bella. On y suit l’épanouissement humain et politique du futur Sean O’Casey, à qui habilement au cours du roman, Mary Morrissy prête parfois la voix. On est emportés par l’histoire de l’Irlande en marche, l’évolution et les mutations de la société irlandaise, tant religieuses que politiques. Dans ce roman il y a les grèves ouvrières de 1913, le déclenchement de la première guerre mondiale et le soulèvement de Pâques 1916. La grande Histoire du vingtième siècle, mais aussi la petite, les déménagements, les vexations de voisinage au quotidien entre protestants et catholiques, les difficultés à joindre les deux bouts, à survivre. Les séries télévisées sont à la mode ces dernières années, et bien ce roman pourrait être l’ossature d’une magnifique saga familiale irlandaise intelligente, historique, crue et poignante. Bella, Sean et l’Irlande, leurs évolutions et révolutions intérieures aussi bien qu’extérieures.
Le style de Mary Morrissy est brillant par sa sobriété, descriptif en restant léger, profond et émouvant sans sombrer dans le sentimentalisme. Les deux seuls bémols – à mon sens -, deux passages où l’auteure accuse un peu trop le trait, entraînant une lourdeur qui flirterait presque avec le manque de crédibilité – ces deux fausses notes étant peut-être finalement voulues, pour créer une respiration dans l’harmonie magistrale de l’ensemble de cette oeuvre.
Il y aurait encore tellement à dire sur ce livre, sur son titre, sur l’importance symbolique du piano, les relations fluctuantes entre Bella et son frère, passant de l’adoration aveugle à la brouille déçue. C’est sans doute toujours ainsi, les coups de cœur : on en parlerait des heures ! Un grand merci aux éditions la Table ronde.
Extraits :
« Etait-ce un crime de retailler le tissu des faits, d’y ajouter un pli ici et un ourlet là, pour façonner une nouvelle vérité ? »
« Elle trouvait qu’il avait changé, lui aussi. Et elle ne le lui pardonnait pas. Il était ouvrier, il était syndiqué, il était irlandais. Et parlait même une autre langue, qui plus est. Quand il avait commencé à apprendre le gaélique, sa bouche avait du mal à prononcer les mots étrangers, il avait l’impression de mâcher un tas de terre fraîchement retournée. Mais sa langue s’était faite à sa texture riche et rugueuse, et elle avait appris à l’aimer. »
« Il avait chéri le souvenir de la jeune femme avec sa jupe, sa cape, son sac plein de livres, et son esprit aventureux en ébullition. Il l’avait poli, chaque jour, par amour. L’amour pouvait faire cela, polir les rides de lassitude, tendre les poches sous les yeux, à l’endroit où s’accumulaient les larmes trop longtemps retenues. Empêcher les cheveux de blanchir. Freiner la chute vertigineuse des coins de la bouche et des espoirs. »
L’auteure :
Mary Morrissy est irlandaise. Née à Dublin en 1957, elle est l’auteur d’un recueil de nouvelles, A Lazy Eye (1993), et, avant celui-ci, de deux romans, Mother of Pearl (1996) et The Pretender (2000). Seul Mother of Pearl a été traduit en français : La Côte d’Ève (Autrement, 1997). Mary Morrissy rédige également des chroniques littéraires pour The Irish Times.
Je le note 😉
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Super ! C’est un livre à découvrir 🙂
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Je vais découvrir ce livre , merci,
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Merci à toi et bonne lecture 🙂
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Il est dans ma liseuse. J’ai lu ton billet de biais du coup mais je reviendrai quand je me serai fait mon avis. 🙂
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Bonne lecture, alors 🙂
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Un livre qui semble très intéressant, le témoin d’une époque !
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Oui, tout à fait ! Un regard remarquable.
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This sounds fascinating! And it’s the right year to read it.
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Yes, the year of publication in France is great 🙂
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la couverture est vraiment belle. Merci pour ce partage, bon weekend à toi 🙂
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Oui c’est vrai, le bandeau est superbe (illustré par Aline Zalko) ! Merci à toi et bon weekend également, Frédéric 😉
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Ton billet est très tentant. Et ton lapsus, très joli, en effet! 🙂
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Merci 🙂 J’espère que tu te laisseras tenter, ce livre mérite d’être découvert !
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J’ai beaucoup aimé mais j’ai trouvé le personnage de Bella fort peu sympathique.
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C’est vrai, mais on s’y attache quand même, à Bella ! Mary Morrissy est douée.
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Elle m’a plutôt agacée par son snobisme et son mepris.
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