Une saison à Hydra – Elizabeth Jane Howard

The sea change, 1959. Traduit de l’anglais par Cécile Arnaud. Éditions La Table Ronde, 21 mars 2019 ; 448 p.

Ma chronique :

Milieu des années cinquante – dix-neuf cent cinquante. Ce roman de la britannique Elizabeth Jane Howard nous entraine de Londres à New-York, puis sur la petite île grecque d’Hydra. Une saison à Hydra est un roman à quatre voix, particulièrement maîtrisé. Deux hommes et deux femmes, aux âges et aux origines sociales différents.

Emmanuel Joyce est un dramaturge à succès mondialement reconnu. D’origine très modeste, mi juif mi irlandais, charismatique et fascinant, il a soixante et un ans. Lillian, son épouse, la quarantaine élégante et raffinée, a la santé fragile et ne se remet pas d’une terrrible douleur d’il y a de nombreuses années. Jimmy Sullivan, ami dévoué et manager d’Emmanuel, a la trentaine.

Au début du roman, ils cherchent la comédienne qui pourra vraiment incarner Clemency, le premier rôle de la nouvelle pièce d’Emmanuel. Ce dernier se retrouvant sans secrétaire, ils embauchent pour ce poste la jeune Alberta, dix-neuf ans, fille d’un pasteur du Dorset, intelligente, naïve et sincère. Elle va les suivre dans leur vie nomade.

Je me suis laissée emporter dans ce roman avec bonheur. La densité des personnages, l’intelligence de l’oeuvre, l’écriture d’une rare qualité, tout m’a ravie. Entre beaucoup d’introspection et peu d’action, le récit alterne d’un personnage à l’autre. On peut à mesure découvrir les pensées de chacun des quatre, ses motivations et sa personnalité, tout en nuances et beaucoup de finesse. Elizabeth Jane Howard ne nous en rend aucun entièrement sympathique, mais ils deviennent tous les quatre finalement très attachants, dans leur évolution.

The sea change, le titre original, repris à La Tempête de Shakespeare – Sybille Bedford nous explique tout dans une passionnante introduction – renvoie à de profondes transformations. La vie change, comme la mer, selon certains courants, intérieurs ou extérieurs. Ce roman explore la notion de changement de cap dans une vie, ces moments où soudain tout s’ouvre, le possible comme le pire.

Toute la partie du roman qui se passe à Hydra est particulièrement formidable. Non seulement par l’évocation délicieuse de cette petite île montagneuse et sans voitures à deux heures de bateau d’Athènes, les ânes, les chats, les olives, le retzina, les maisons blanchies à la chaux, la lumière, la chaleur du climat et de l’accueil – je suis revenue au bonheur de juillet dernier et mon séjour dans les Cyclades. Mais aussi par sa construction, cette impression géniale d’être dans une pièce de théâtre. Certaines intermittences du coeur, un vrai suspense. J’ai rarement lu un livre aussi bien écrit.

Mille mercis aux éditions La Table Ronde !

« Si vous aviez des parents riches, ou même seulement aisés, c’était normal de les détester ; mais s’ils étaient pauvres, et que vous aviez été élevé dans ce que ces gens appelaient un « quartier défavorisé », […] la moindre critique passait pour une trahison et de la prétention – vos parents devenaient des personnages, et on attendait de vous que vous les considériez comme tels. »

L’auteure : Elizabeth Jane Howard est née le à Londres et morte le (à 90 ans) à Bungay dans le Suffolk. Elle passe son enfance à Noting Hill et ambitionne de devenir actrice de théâtre mais le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale met fin à ce projet. Elle se tourne alors vers l’écriture. La célébrité lui vient avec la saga The Cazalet Chronicle, qui raconte la vie aisée d’une famille anglaise de la classe moyenne. Et les Éditions La Table Ronde vont bientôt les publier ! Petits veinards que nous sommes. J’ai vraiment hâte. Et sinon, elle a épousé en troisièmes noces sir Kingsley Amis, elle fut donc la belle-mère de Martin Amis. (j’ai trouvé la majeure partie de ces infos sur son wiki)

  12 comments for “Une saison à Hydra – Elizabeth Jane Howard

  1. 27 mars 2019 à 9 h 22 min

    Un autre artiste qui aimait Hydra ==> Leonard Cohen …. . Ta dernière phrase est un véritable hymne à Miss Arnaud !

    Aimé par 1 personne

    • 9 avril 2019 à 16 h 48 min

      Oui, Leonard Cohen et sa muse Marianne, et en plus c’était la même époque ! Le roman est sorti en 1959 et je crois que Marianne est arrivée à Hydra en 1958…

      Aimé par 1 personne

  2. 27 mars 2019 à 14 h 33 min

    j’aime les romans à plusieurs voix, et les années 50 grandes-bretonnes je connais peu en fait (je connais mieux l’ère Thatcher 🙂 donc je le note

    Aimé par 1 personne

  3. 27 mars 2019 à 21 h 28 min

    Merci Hélène pour cette belle découverte ! Bises bretonnes 🙂

    Aimé par 2 personnes

  4. 7 avril 2019 à 9 h 19 min

    J’ai la version radiophonique de « The Cazalet » de la BBC qui est formidable. Je suis donc ravie de savoir que les cinq romans seront traduits. Et, du coup, je n’ai pas hésité à acheter ce « Une saison… » mais je suis restée sur ma faim. Bof, bof, long…

    Aimé par 1 personne

    • 9 avril 2019 à 16 h 46 min

      Long effectivement, mais il a très bien fonctionné avec moi 🙂
      Ravie d’avoir ton retour sur Les Cazalet… J’ai encore plus envie de les découvrir, du coup !

      J’aime

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