The sea, 2005. Traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle Albaret-Maatsch. Éditions Robert Laffont, 2007 ; rééditions en poche : 10-18, 2009 et Pavillons Poche, 2021 ; 288 p.
★★★★★★★☆☆☆
Mon avis :
J’ai lu ce roman en 2009 (il a été couronné du prestigieux Booker Prize en 2005) et, bizarrement, je n’en ai gardé quasi aucun souvenir. C’est en découvrant cette jolie réédition chez Dialogues à Brest en septembre dernier que j’ai, un peu par hasard, décidé de le relire – tout ce qui évoque la mer m’attire vraiment irrésistiblement en ce moment, héhé.
« Le passé cogne en moi, comme un second cœur. »
La mer, c’est le flux de conscience d’un vieil homme en deuil de son épouse, qui revient sur les lieux où il est tombé amoureux l’été de ses dix ans, en villégiature sur la côte irlandaise. « L’enfant d’autrefois métamorphosé en un quasi-vieillard corpulent et à moitié gris ». La narration dans ce roman a parfois une aura de rêve mouvant, un souvenir flotte dans la pénombre entre deux éclats saillants. J’ai beaucoup aimé la façon dont John Banville fait jouer la netteté approximative de la mémoire et nourrit ses esquisses, tel un véritable peintre des instants disparus.
La mer m’a ainsi éblouie par certaines fulgurances, sublimes arcs-en-ciel, hélas fugitifs, aussi vite dissous que lus, comme la pluie espérée est absorbée par le sol, avant même que l’on ait pu s’en désaltérer. Le flux de conscience ne rend pas grâce au narrateur, vaniteux et un brin dérangeant. On n’a pas envie d’être sans filtre dans la tête des gens, parfois. La construction est brillante et l’écriture fine, précise, ciselée et froide. Au début, j’ai eu du mal à me concentrer dessus. Je n’arrivais pas à être dans les mots et dans l’histoire en même temps. Et puis je me suis laissé tourbillonner. Les époques se succèdent et se côtoient, tandis qu’un léger malaise prend racine. Une tension rôde, dont on ne sait si elle vient des émouvants souvenirs des derniers mois de sa femme, ou d’autre chose ; et les pages se mettent à tourner plus vite.
Mais franchement, dans son ensemble, La mer m’a déçue, en tous cas laissée sur ma faim. Je n’ai pas compris où l’auteur voulait en venir, et le point d’orgue du roman ne m’a pas du tout convaincue. Peut-être John Banville s’attache-t-il tellement aux détails pour les ramener à la vie, que la vie elle-même s’échappe par tous les interstices entre ses mots. La mer est donc un roman remarquable, qui orchestre de somptueux instants de lecture, mais il m’a manqué la chaleur humaine et un peu d’empathie de la part du romancier pour ses personnages. Je comprends mieux pourquoi je n’ai presque gardé aucun souvenir de ma première lecture.
« Le bonheur était différent dans l’enfance. A l’époque, c’était surtout une simple affaire d’accumulation, d’engrangement de choses – nouvelles expériences, nouvelles émotions – qu’on posait, tels des carreaux vernissés, sur ce qui deviendrait un jour le pavillon merveilleusement achevé du moi. »
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